Sous le drapeau bleu (8) Transport sur les lieux
GJILAN, 23 août 2001 :
Cet après-midi, j'ai effectué mon premier transport sur les lieux. J'ai préalablement fait une ordonnance le 18 ao^put dernier, sous le vocable "Order Undertaking an On-the-spot Inquest" , et j'ai échangé quelques mails avec la KFOR de Camp Bondsteel. Nous arrivons à deux heures avec trois voitures, le détenu et son escorte, l'avocat, l'interprète, mes deux gardes du corps et moi (je n'ai pas encore de gardes du corps permanents, mais j'en ai pour ce type d'occasions). A Camp Bondsteel, nous attendons, c'est très administratif, puis nous allons à un bâtiment où nous rencontrons un lieutenant féminin de la Military Police, qui dirigeait une opération au cours de laquelle a été découverte une cache d'armes. Nous partons de Camp Bondsteel avec deux vhicules d'escorte, sorte de grosses voitures équipées de mitrailleuses légères. Ces voitures, Humvee ou Hummer, sont les véhicules standard de l'US Army et des US Marines, aussi bien véhicules de transport que de combat. Les hommes sont lourdement armés, y compris le lieutenant féminin qui trimbale un fusil d'assaut avec un lance grenades. Nous traversons des paysages magnifiques et une campagne pittoresque, avec de très jolis villages. La population,notamment les enfants, nous adresse des signes d'amitié et des saluts. Au bout d'un moment, nous abandonnons la plaine et grimpons des collines, puis carrément de la montagne.
Nous arrivons dans un endroit très sauvage., où nous garons nos véhicules près d'un abreuvoir, nous nous engageons dans un chemin creux avec un ruissellement d'eau, puis à travers champs, et nous arrivons assez vite dans un creux, avec au fond un e sorte d'abri dans un buisson de ronces. Le lieutenant nous explique que le squad, ce qui est le mot français escouade transposé phonétiquement en anglais, a eu son attention attirée par des traces d'écrasement et de rupture dans la végétation, et a découvert dix(neuf fusils d'assaut AK 47. Le suspect s'est fait remarquer par sa curiosité et l'attention particulière qu'il portait à cette équipe. De là à le considérer comme un grand criminel....
On nous montre le lieu d'interpellation du suspect, on localise sa maison, et après un recueil d'explications de part et d'autre, nous revenons à nos véhicules, en laissant passer un troupeau de chèvres et quelques vaches. C'est la campagne profonde. Le pays est beau, mais souvent pollué par de petites décharges sauvages. Les endroits que nous avons traversés sont fertiles. Les gens auraient tout pour être heureux, à part les routes crevassées pour lesquelles nos 4X4 ne sont pas un luxe. Et quand je dis crevasses, je ne parle pas seulement de nids de poules, certains passages relèvent vraiment du crapahut. On a voulu l'aventure, on l'a ! Si les locaux étaient d'un naturel pacifique et tolérant, leur sort serait sûrement enviable. Mais la culture de la Kalochnikov, même subventionnée, ne me paraît pas le programme idéal pour un comice agricole réussi. Peut-être suis-je un peu rétrograde ?