Lettre persane numéro 2

Publié le par Raymond Lévy

Mon cher Mahmoud,

Je t'ai parlé dans ma dernière lettre de l'obsession de la caste dirigeante française et du Sultan Emmanuel pour la gestion informatique des êtres humains. Tu sais qu'en France, le mariage doit être précédé d'une annonce publique à la mairie, qui délivre un certificat de publication de bans. Shéhérazade a vu celui d'une amie française qui va se marier avec un autre Français (bizarrement, elle aurait même pu se marier avec une autre femme, ici on ne lapide pas pour ça). Ce certificat lui a paru tellement curieux, qu'elle a demandé la permission de le scanner. On  y apprend  que monsieur 1 90 02 XXXXXX (n°INSEE, suivi du numéro fiscal individuel) va épouser prochainement mademoiselle - ah pardon, l'administration a supprimé le terme mademoiselle, mais c'est pour que tu comprennes -  2 92 06XXXXXXX/n° fiscal XXXXXXXX). Ce qui est très curieux, c'est que cette publicité obligatoire peut désormais ne pas mentionner les noms et prénoms des futurs époux, par respect de l'intimité de leur vie privée et du RGPD : Règlement (européen) Général pour la Protection des Données. C'est terriblement frustrant pour les vieillards désoeuvrés des petites communes françaises, qui attendaient des enfants du pays qu'ils se marient, pour leur donner un sujet de conversation, puisqu'ils divorcent, pour leur donner un deuxième sujet de conversation ! Les certificats de publication de bans ne sont d'ailleurs plus matériellement affichés sur le panneau des mairies, seule est affichée l'adresse internet où on peut les consulter. De toute façon, les mairies des communes rurales sont appelées à disparaître au nom de la modernité et de "la mutualisation des moyens", ce qui signifie, en langue de bois, au nom de la destruction des structures et de la suppression généralisée des moyens. Plein de bonne volonté, l'aïeul de notre chauffeur a exprimé le voeu d'occuper sa retraite en apprenant à se servir d'un ordinateur. La secrétaire de mairie lui a dit qu'il lui suffisait de faire une  demande de formation sur internet, ce qu'il ne sait pas encore faire.....Je comprends mieux l'homme politique qui disait qu'il était venu vers l'Occident compliqué avec des idées simples !

J'ai d'ailleurs eu deux jours après à traiter le cas d'une employée de notre consulat, qui n'étant pas contribuable française, ni citoyenne de la République Fiscale, est dépourvue de ces deux numéros, ce qui lui a créé des difficultés pour épouser un  Français.  Le maire ne sachant comment faire pour célébrer ce mariage, peu aidé par le silence embarrassé de la préfecture,  c'est finalement notre ambassadeur, homme plein de ressources, qui a célébré le mariage dans l'ambassade, selon le droit perse, et qui a fait très facilement transcrire l'acte au service central de l'état-civil, à Nantes, ce qui est parfaitement conforme au droit international.

Ce numéro fiscal dans les actes de l'état-civil n'est qu'une manifestation de l'omniprésence de l'informatique : comme les Français (ceux qui payent des impôts...) se sont mis à détester les fonctionnaires des impôts, le pouvoir a décidé de satisfaire ses électeurs par l'élimination de ces fonctionnaires. Ne sois pas horrifié ! Il ne s'agit pas de couper toutes leurs têtes; plus personne n'a ce savoir-faire, car depuis longtemps les métiers artisanaux se perdent....Il s'agit de les éliminer en supprimant leurs postes et en supprimant leurs caravansérails, qu'on appelait "trésoreries", ce qui va entraîner leur extinction. Comment, me diras-tu, se passer des collecteurs d'impôts ? Le Sultan est très malin : il va faire collecter les impôts par les employeurs (qui protestent en vain) et par les caisses de retraite. C'est une "privatisation" ("mot qui fait les délices des institutions dites européennes, de Bruxelles). Il oublie que la privatisation de la collecte des impôts a déjà existé dans son pays, les collecteurs portaient le nom de "fermiers généraux" bien qu'ils fussent incompétents en matière agricole, parce qu'ils louaient leur office "à ferme". Ce système n'a pas donné satisfaction, et le peuple, moins docile que de nos jours (le football n'existait pas encore pour l'hébéter), a fait une révolution et a coupé la tête des fermiers généraux, dont une nouvelle génération revient prendre le pouvoir. L'histoire est un éternel recommencement: comment cela se finira-t-il ? C'est fascinant, de pouvoir étudier de près une situation  pré-révolutionnaire !

Publié dans Humour, Politique - Humour

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