Les chefs sont des morts-vivants

Publié le par Raymond Lévy

M.Laurent Wauquiez est devenu , au terme d'une élection marquée par un suspense insoutenable résultant de la quasi-unicité de sa candidature (les autres candidats faisant figure d'alibis démocratiques)  mais aussi, à l'évidence, de la grave réduction de la base militante et votante, le chef du parti LR. Une partie est partie chez LREM ou chez des formations dites "macron-compatibles", Agir, Les Constructifs, une autre partie chez "Les amoureux de la France", ou d'autres structures d'accueil et d'attente. Les "juppéistes" avec le candidat Maël de Calan ne tiennent plus au parti LR que par un bout de ficelle usé. Ses électeurs siphonnés à gauche et au centre, LR ne voit de salut que dans une opération de vases communicants, en siphonnant des électeurs du Front National, qui a lui-même du mal à faire front, ayant perdu des "Patriotes". Deux questions se posent. Première question : LR et le FN ont-ils encore les moyens de peser sur la politique de la nation française, représentent-ils encore l'un comme l'autre des forces de frappe utilisables pour des programmes, des idées (ouh là, des idées, c'est beaucoup demander !) et des ambitions électorales ? Deuxième question : Est-ce que l'électeur ou le téléspectateur moyen, groggy après trois jours de matraquage centrés sur Johnny Halliday, ne se fiche pas totalement de ces questions de rapports de forces politiques ? ll y pensera quand les politiciens auront développé leurs manoeuvres d'éclatement/regroupement et qu'il y verra plus clair. Le même Wauquiez se déclare étonné du départ de Xavier Bertrand du navire LR. C'est oublier un peu vite qu'au cours des campagnes passées, X.B. s'était exclamé en parlant des pontes de son parti :  "Mais qu'ils se taisent ! Ils vont nous faire perdre !", et qu'il n'a pas été élu par une majorité LR de combat droitière, mais par le désistement en sa faveur des candidats (certes malmenés) socialistes. Sa base électorale a changé, il en prend acte et s'y adapte. Au delà de ces péripéties mesquines  se dessine une révélation plus profonde. Nous vivions depuis des dizaines d'années sur l'idée mythique qu'il fallait devenir chef d'un parti pour accéder à des postes de direction politique nationale, président de la République de préférence, ou premier ministre. Ce n'est plus vrai. Nous avons vu la faillite de ce schéma lorsque Nicolas Sarkozy, après avoir consacré une énergie féroce à prendre ou reprendre la tête de son parti, s'est cru assuré d'un  nouveau destin national et a été éliminé de façon humiliante à l'élection primaire de son propre parti. Marine Le Pen, cheffe d'un parti, a été vaincue par un candidat qui n'était pas chef d'un parti répéertorié : il a commencé par être candidat "tout seul comme un grand", et s'est occupé ensuite de constituer un parti. Edouard Philippe a été nommé premier ministre sans être le chef du parti de la majorité. Mélenchon, chef de parti, perd de l'influence. Nous avons un paradigme tout nouveau dans la vie politique française : il n'est plus indispensable pour réussir en politique d'être le chef d'un parti structuré, institutionnel. Vouloir à tout prix être chef d'un parti voue au contraire à n'être plus que cela. Ce n'est plus la condition nécessaire pour devenir chef de la Nation, au contraire ça devient un handicap, comme d'épaisses chaussures boueuses et pesantes qui vous empêchent de monter avec grâce les marches de l'escalier du vrai pouvoir. Devenir chef d'un parti quelconque pour ensuite devenir chef de l'Etat, du gouvernement ou de l'Assemblée, est un schéma mental obsolète. La révélation de cette obsolescence  est une révolution mentale.

Publié dans Politique

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