Sous le drapeau bleu (18) Juges, policiers, recrutement

Publié le par Raymond Lévy

NOVO BERDO
NOVO BERDO

GJILAN, 13 mars 2002 :

Après une journée de pluie et une de neige dans la campagne, bien sûr juste quand nous y étions pour la reconstitution d'un meurtre ethnique à Vitina (deux Kosovars albanais sont descendus de voiture pour tuer un garçon serbe de 17 ans, il y a un an environ), le soleil brille à nouveau sur le Kosovo. Hier, dans le procès pour lequel nous avions eu la reconstitution sus-mentionnée, nous avons vécu un moment grandiose. Un policier américain témoignait. La disposition des lieux est assez curieuse, il avait les accusés dans le dos et voyait sur le côté la cabine vitrée des interprètes. On lui a demandé s'il reconnaissait dans la salle l'un des accusés qu'il avait entendus et transportés, il a alors désigné du doigt sans aucune hésitation l'un de nos interprètes.....lequel a entendu des plaisanteries pendant toute la soirée d'hier que nous avons passée dans un excellent restaurant serbe, à l'initiative de divers membres du personnel de la District Court.

L'équipe de gardes du corps s'est en partie renouvelée.Un juge international français, Maurice de Thévenard, a pris ses fonctions. Il était auparavant conseiller technique à "Government Building". Après les élections et la désignation tant attendue d'un président du Kosovo : Ibrahim Rugova, leader du LDK, et d'un premier ministre: M. Rexhepi, du PDK, et des ministres, la réaffectation des locaux enrtre l'ONU et les nouvelles autorités se poursuit. L'ONU garde dans ses attributions la Police et la Justice, le tout formant "le Pilier Un", dirigé par le préfet français Jean-Christian Cady.

Ce pilier Un a été en émoi, parce que des policiers semblaient avoir failli à leur tache. Un poloicier international et trois policiers locaux (mais l'un vient d'être mis hors de cause par la victime) auraient commis des violences sur un Kosovar albanais soupçonné de crimes graves. Le policier international aurait été proprement "exfiltré" par ses autorités nationales, ce qui fait scandale, peut-être encore plus que les faits, consistant en des coups, sans séquelles, mais surtout en l'écriture d'un papier exprimant la haine des Serbes, qu'on voulait lui fairte porter dans une enclave serbe, et le creusement imposé d'un trou présenté comme devant être sa tombe. Du moins c'est ce qu'on raconte. la garde à vue de soixante-douze heures expirait vendredi soir 1er février, aucun autre juge international n'était disponible, on m'a demandé en catastrophe d'aller à Prizren, à l'autre bout du pays, faire les inculpations et statuer sur la détention.J'y suis retourné ce vendredi, pour entendre la victime et faire une parade d'identification. Le reste du temps, j'ai eu tellement d'audiences que je ne pouvais plus m'occuper de mes affaires d'instruction ni de mes affaires personnelles.

Samedi soir, j'étais invité par le général de Courtivron,pour un dîner à thème "Justice et Police" (j'étais en plein dedans....) avec des officiers de Gendarmerie, un commissaire de Police français qui dirige l'école de Vushtri (plusieurs orthographes sont admises) qui forme les policiers locaux, un colonel du Kosovo Police Service et M. Cady. La vie au Kosovo est assez active ! Mais le recrutement des juges internationaux est parfois assez laborieux. Cinq sur dix partent d'ici fin juin, alors qu'on vise un effectif de vingt-quatre. Plusieurs candidats se sont faits connaître à nous par le réseau Jugenet, et j'ai aussi contacté une collègue bulgare qui était justement en visite chez des amis. J'espère que tout cela va donner des résultats.

GJILAN, 20 mars 2002 :

Depuis le 13 mars, date de mon dernier envoi, peu de nouveautés professionnelles. Notre procureure philippine (Cecilia) nous a indiqué que le policier qui avait reconnu à tort notre interprète a pu être induit en erreur par le fait qu'en Amérique, les suspects sont parfois dans des boxes avec des vitres blindées. Mais l'effet demeure....

Nous avons des inquiétudes quant eu recrutement de juges internationaux. Le recrutement de procureurs internationaux est un franc succès, mais pour les juges, sur onze présents, cinq partent d'ici à la fin juin. Il semble q'un Allemand qui avait réussi les tests, ne viendra pas parce qu'il est père d'un très jeune enfant qu'il aurait du mal à, emmener - c'est une "non family mission", mission non familiale - et le Moldave ne vient pas pour une raison que je n'ai pas bien saisie. Une collègue brésilienne qui était espérée semble ne pas venir non plus. Un Canadien devrait seul arriver prochainement. Par ailleurs, il paraît que MSA (Mission Special Allowance, l'indemnité de mission) sera réduite de 75 dollars par jour à 71 dollars. Cela reste conséquent, car le coût de la vie ici est peu élevé, mais ce n'est sans doute pas le meilleur moyen d'attirer des candidats, après la suppression de la prime de risque.

Les témoins serbes que j'attendais il y a une dizaine de jours dans un dossier d'instruction, et qui n'avaient pu arriver jusqu'à,l'intérieur du Kosovo, étaient reprogrammés hier, mais cette fois ils étaient malades et n'ont pu entreprendre le voyage, bien que paraissant disposés à le faire.

Samedi, j'ai réussi à visiter les ruines du château médiéval de Novo Berdo (chrétien puis ottoman) et de la ville environnante, qui était au Moyen Age plus importante que Londres, mais a été désertée depuis. Il reste les ruines d'une église, une petite mosquée, un tombeau abrité dans une sorte de caveau en surface, qu'on peut visiter. Pour accéder à,l'intérieur du château, il faut ramper sur des gravats, provenant d'éboulements, en passant par une arche dont seul le sommet reste ouvert. Tenue "bleu de travail", de sport ou de combat recommandée, avec chaussures adéquates.

L'information sur les violences policières à Prizren se poursuit.J'y retourne trois jours la semaine prochaine.

Publié dans Justice

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