Permissions excetionnelles de sortir de prison

Publié le par Raymond Lévy

A deux reprises, des gens du voyage ont provoqué des émeutes et des dégâts graves en France, sur l'autoroute A1 dans la Somme puis à Moirans. Dans le premier cas, le pouvoir exécutif a fait preuve d'une insigne faiblesse, qui permet de penser que le deuxième cas résulte de cette démonstration et de son interprétation. En conséquence de quoi,le gouvernement a proclamé une fermeté bien tardive, et complètement à l'opposé de sa première attitude. Il a peut-être rectifié le tir, mais n'a pas donné un exemple cohérence.

A chacun ses responsabilités : au gouvernement et au chef de l'Etat, le maintien de l'ordre républicain. Le pouvoir exécutif a clairement failli. Aux magistrats, le soin d'appliquer des peines en cours d'exécution. Ce terme d'exécution nous fait comprendre pourquoi les prisons dépendaient autrefois du ministre de l'Intérieur, c'est à dire du pouvoir exécutif : le législateur a transféré les prisons au pouvoir judiciaire, en considérant que l'adaptation des mesures judiciaires en fonction de l'évolution de la personnalité des condamnés (détenus ou en en milieu ouvert) nécessite des capacités de jugement et l'appréciation fine de nouveaux éléments, en particulier des effets positifs ou non des mesures en cours sur l'évolution d' hommes ou de femmes. Les décisions des juges ne sont pas en principe faites pour faciliter ou compliquer la tache distincte des autorités administratives et politiques, mais il n'est pas non plus inutile de tenter d'en apprécier les effets possibles : simplement ce n'est pas la seule chose qui doit conduire à une décision. Il appartient le cas échéant au Procureur de la République d'informer les juges du siège des préoccupations et des soucis des autorités administratives, pour qu'ils en soient informés et puissent en tenir compte sans en être dépendants. Cet article n'a pas vocation à inclure un cours magistral sur la séparation des pouvoirs depuis Montesquieu, mais simplement à donner quelques éléments d'information aux lecteurs.

Il y a plusieurs sortes de permission de sortir, qui permettent une exécution évolutive de la peine, en préparant le détenu à retrouver un environnement social et éventuellement familial, et à s'y adapter : permissions pour entretien des liens familiaux, pour soins hospitaliers, pour rencontrer un futur employeur....Il existe un risque grave, à ne jamais minimiser, comme on l'a vu avec les malfrats qui ont tiré sur un policier et l'ont blessé récemment, mettant son pronostic vital en danger, dont l'un n'était pas rentré d'une permission. Celles qui nous intéressent au vu des émeutes récentes sont les permissions exceptionnelles, la matière est trop vaste pour traiter les autres ici.

L'article D425 du code de procédure pénale (dans une section intitulée "Des événements familiaux et des sorties exceptionnelles qu'ils peuvent motiver") prévoit que "les condamnés peuvent être autorisés à se rendre auprès d'un membre de leur famille gravement malade ou décédé". L'article D426 prévoit:"Les agents de la force publique ou les membres de l'administration pénitentiaire chargés de l'escorte, qui accompagnent le détenu auquel a été accordée une autorisation de sortie (....) peuvent être dispensés du port de l'uniforme." On remarquera que ce texte vise des cas individuels et absolument pas des groupes familiaux de détenus.

L'article D144 du même code prévoit: "A l'occasion des circonstances familiales graves visées à l'article D425, une permission de sortir d'une durée maximale de trois jours peut être accordée, d'une part au condamnés à une peine privative de liberté inférieure ou égale à cinq ans, et d'autre part, aux condamnés une peine privative de liberté supérieure à cinq ans, lorsqu'ils ont exécuté la moitié de leur peine."

Autrement dit, une permission de sortir n'est pas un droit que l'on puisse revendiquer: elle peut être accordée, elle ne doit pas. Et elle ne peut l'être que si, d'une part, on a eu le temps suffisant pour connaître le condamné, et d'autre part, que l'enjeu en durée de peine auquel il puisse être tenté de se soustraire en ne revenant pas, ne soit pas trop tentant, eu égard aux risques de nouvelles sanctions.

Ceux qui ont défié, avec succès, un pouvoir exécutif défaillant qui tente de se rattraper par des propos primo-ministériels fermes mais tardifs, risquent de tuer l'institution des permissions de sortir : en revendiquant comme un droit ce qui ne peut être qu'une mesure de bienveillance, ils vont pousser le législateur à durcir le système, et les juges à ne plus accorder des permissions à cause des risques accrus. Comme toujours, ce sont ceux qui respectent les règles et méritent des aménagements de peine qui seront brimés par ces restrictions. Car les excès de quelques uns entraînent , comme en matière de circulation routière, des conséquences pour tous. Et ceux qui auront posé des exigences aux pouvoirs publics, seront touchés parce que ce qu'ils auront revendiqué ne sera plus possible. Le risque final est que le système ne se préoccupe plus de faire évoluer les condamnés (sans naïveté) pour qu'ils ressortent meilleurs ou plus inoffensifs qu'ils ne sont entrés.

Publié dans Justice

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